-Synthèse des débats-
Le développement de la ville : pourquoi, pour qui et comment ?
Le premier constat est que le terme de « développement » est particulièrement dense et vaste. Sérier dans sa globalité le sujet et établir une définition précise est complexe. Aussi, au fil de nos travaux, nous nous apercevons que l’exploration de la thématique revient à choisir un ensemble de sujets qui nécessite un approfondissement particulier.
ABORDER AVEC REALISME ET COURAGE LA QUESTION DES MOBILITES
L’URBAIN AU SERVICE DE L’HUMAIN
UN DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE AU SERVICE DES HABITANTS
Afin de dynamiser les débats, la matinée du 9 juin s’est organisée autour de trois temps, trois méthodes d’animations distincts :
1. Brainstorming
Les participants étaient invités à énoncer des termes qu’ils rattachent à la notion de « développement »
2. Cahier des doléances
Notre atelier a décidé de faire du recueil des retours des habitants, des « réclamations » enregistrés par les participants un temps à part entière de cette matinée. L’objectif était ici de confronter dès maintenant nos points de vue à la réalité vécue et perçue des habitants. Cela permet de dresser un diagnostic des doléances au sein de la ville, doléances qui devront trouver des réponses.
3. « Demain à Strasbourg je pourrais… »
Etape finale de cette matinée, l’atelier a été organisé afin que les participants livrent leur vision des possibles dans la ville de demain. L’idée était de faire émerger un tableau « idéal » des aspirations, des attentes. L’objectif était également d’inscrire nos réflexions dans un temps plus long, de s’autoriser à s’affranchir des contraintes pour appréhender les enjeux du futur tout en réfléchissant aux réponses concrètes pour les atteindre.
A l’issu de cette matinée, plusieurs pistes de réflexions ont été soulevées. Certaines sont venues confirmer les éléments sur lesquels l’atelier avait d’ores et déjà entamé un débat, d’autres ont enrichi l’étendue du sujet. Ainsi, il a été rappelé l’importance du cercle vertueux du développement, le levier de la rénovation urbaine et les nouvelles politiques d’égalité territoriale ou encore les enjeux relatifs aux mobilités. Nous avons également abordé les questions de pouvoir d’achat et de la qualité de vie dans la ville de demain.
Aborder avec réalisme et courage la question des mobilités
Ce thème apparaît sans conteste comme celui qui a suscité le plus de réflexion et de remarques. Les participants ont plusieurs fois relevé le souci d’accessibilité de la ville et de son centre. Cette accessibilité se place à deux échelles : celle qui permet d’accéder à l’agglomération et son cœur, et celle qui permet de circuler dans la ville et notamment dans le centre-ville de Strasbourg.
A une échelle globale, les problèmes de congestion chronique de l’autoroute sont plusieurs fois relevés et considérés comme un handicap important pour l’attractivité de la ville mais aussi pour la qualité de vie des habitants et des travailleurs. Diverses pistes sont évoquées comme une meilleure connexion tram-autoroute ou encore une plus grande synergie transport public / automobile afin d’améliorer la fluidité du trafic et l’accessibilité de la ville.
L’optimisation des réseaux de transport doit être interrogée au regard de la desserte actuelle, de la cadence et des lignes. Aussi, il sera nécessaire de déployer davantage de bus, tram etc et de réfléchir à l’intégration d’une ligne concentrique au réseau. Enfin, le groupe est revenu sur l’adaptation des cadences par rapport aux horaires de pointes (sortie des bureaux) et creuses.
Face à une recrudescence des conflits d’usage ou à la contrainte exercée la circulation automobile, les participants semblent dresser le portrait d’une politique des mobilités déséquilibrée, parfois même « chaotique ».
Certains s’interrogent ainsi sur la cohérence entre le développement du vélo, la sécurité du piéton, l’extension du tram et des autres transports en commun ou encore la place de la voiture en ville.
Un éclaircissement sur les politiques menées semble indispensable, se basant notamment sur des orientations fortes et lisibles à partir d’une identification d’enjeux partagés. Un tel mouvement permettrait notamment de rappeler la zone de pertinence de chaque mode tout autant que de développer un discours destiné à pacifier les relations entre les usagers des différents modes. Ainsi, concrètement, il s’agit de poursuivre une politique offensive en faveur des modes actifs dans l’hyper centre de Strasbourg … tout en garantissant une véritable accessibilité routière pour les visiteurs mais d’abord pour les habitants. Le plan de mobilité pourrait alors se développer en cercles concentriques définissant chacun un ou deux transports pertinents dans la zone couverte du centre-ville jusqu’aux frontières de l’EMS.
Par ailleurs, il convient de faire de Strasbourg une ville toujours à la pointe de l’innovation en matière de mobilité, en continuant à explorer de nouveaux champs et en misant sur l’innovation : ouvrir le débat sur la gratuité des transports publics, donner sa chance aux modes de transport autonome, penser plus loin l’intermodalité et la complémentarité des offres de transport.
L’urbain au service de l’humain
Un autre aspect relevé lors du séminaire est qu’une ville qui se développe ne peut faire l’impasse sur l’humain.
En effet, les débats se sont organisés sur l’action municipale comme levier de lien social entre les habitants.
Si des actions classiques sont évoquées, comme le développement des animations ou la qualité des aménagements urbains, les participants relèvent l’importance fondamentale de mener une politique qui contribue à ancrer les habitants dans leur territoire, à développer une identité et un atout à chaque territoire.
La politique culturelle est particulièrement citée, à la fois comme moteur d’attractivité pour toute la métropole mais aussi comme un moyen de rapprochement entre les quartiers, entre les populations aisées et les quartiers populaires. Si l’implantation de lieux culturels dans les quartiers moins favorisés est considérée comme positive, le groupe souligne l’intérêt de la multiplication des échanges « en sens inverse », de la culture urbaine vers le centre-ville.
L’incivilité demeure également une préoccupation importante des habitants et la politique municipale se doit de continuer à agir, voire à innover en la matière en balayant tous les champs d’actions (transport en commun, habitat, espace public, etc.).
Toujours au chapitre du développement urbain, la question du « pouvoir habiter » se pose. Comment la ville peut-elle répondre aux enjeux du pouvoir d’achat par rapport à l’immobilier et à la location. La ville doit apporter des réponses pour loger les ménages modestes mais aussi les familles, les jeunes actifs etc. De nombreux outils sont à sa disposition pour lutter contre l’inflation des prix et le mal-logement.
La promotion du partage et du mieux vivre-ensemble transparait fortement des échanges du 9 juin. L’action de la ville en matière d’urbanisme doit être l’occasion de faire émerger des propositions concrètes afin de multiplier les lieux d’échanges, de partage entre les habitants. Relevons l’exemple de salles de fêtes collectives, de terrasses communes à l’instar du dernier étage de la tour Elithis ou encore de cuisine d’été commune. Ce sont ces lieux qui permettent aux habitants d’un même immeuble de redevenir des connaissances, des amis ou des proches et non de simples voisins d’étage. Ces espaces partagés répondent directement à une demande sociale visible qui se traduit aujourd’hui dans le déploiement d’applications mobiles de rencontre entre les voisins d’un même quartier par exemple
Prenant appui sur le rôle de ciment social que pouvait occuper les concierges, les participants évoquent l’intérêt d’un « référent service public » au sein de chaque quartier qui viendrait fournir un accompagnement personnel aux habitants afin de les aider dans leurs démarches, en particulier sur l’outil numérique, mais également comme garant d’un service public de qualité en alertant rapidement l’administration des dysfonctionnements locaux.
Ce qu’il faut retenir c’est que la politique municipale de développement doit être un vecteur de rapprochement des habitants. Il y a une demande de « collectif », d’échange qui doit
pouvoir trouver satisfaction. Tout ceci en épousant l’exigence d’un mode de vie plus durable où la ville agit pour la qualité de vie de ses habitants (santé, environnement, salubrité).
La ville de Strasbourg doit devenir le laboratoire d’un développement responsable alliant croissance économique, bien-être et écologie. Strasbourg doit oser promouvoir les jardins de toiture, végétaliser son environnement urbain et se fixer un objectif ambitieux de bilan carbone neutre en rusant d’ingéniosité énergétique ou en termes de recyclage à grande échelle. La ville ne doit plus se bâtir contre la nature mais autour d’elle, en réinterrogeant son rapport à l’environnement. L’ouverture à la baignade dans la Rhin, la généralisation du maraichage familial, la purification de l’air via les colonnes d’algues ou encore la gestion éducative de territoires protégés comme les aires marines éducatives en outre-mer sont autant d’éléments qui permettront aux strasbourgeois de renouveler leur rapport à la nature et de la protéger.
Enfin, un autre enjeu est d’assurer une réelle mixité sociale. Force est de constater qu’aujourd’hui, cette mixité sociale se réalise, parfois, au sein d’un quartier grâce à l’urbanisme mais rarement dans les usages du quotidien. Il serait temps pour Strasbourg de faire d’un concept trop souvent galvaudé une réalité concrète.
Un développement économique au service des habitants
Enfin, le développement économique est lui aussi une préoccupation importante des participants à l’atelier.
A ce titre, le rôle de la ville est notamment de continuer à accompagner et stimuler les initiatives innovantes et créatives et les aider à se développer sur son territoire et au-delà. Elle peut le faire via une synergie entre les lieux d’éducation et le monde économique par exemple. Elle doit également mieux informer les habitants sur les opportunités d’emploi, de formations citoyennes ou professionnelles.
Autre enjeu pour Strasbourg, le développement d’un centre de R&D national et européen pour favoriser les inventions et renforcer l’attractivité de la métropole. Ce centre doit pouvoir s’appuyer sur les atouts de la ville : sièges d’institutions européennes, 4 prix Nobel notamment en chimie, CHU de qualité etc… Pour le développer, la ville pourrait s’appuyer sur une coopération étroite entre universités, entreprises, laboratoires et partenaires européens.
La question des commerces de proximité est elle aussi soulevée, notamment en ce qui concerne leur pérennité dans les quartiers prioritaires. Face à des logiques économiques qui favorisent la standardisation de l’offre commerciale, le commerce de proximité est aussi appréhendé comme un lieu de rencontres et d’échanges qui joue un véritable rôle social. En ce sens, la puissance publique doit favoriser la diversité des commerces et encourager ainsi l’implantation et la pérennisation de commerce ancré dans leur territoire, qui mise sur l’économie circulaire et les circuits courts.
Un autre levier a été évoqué, celui du tourisme. Strasbourg doit pouvoir proposer une multitude de temps forts tout au long de l’année. Outre le « Marché de Noël », les animations
d’été qui doivent être poursuivies, la ville pourrait développer un festival autour de l’Europe et profiter de la fête de l’Europe pour tenter d’attirer un public varié : jeunes, commerçants, artistes… Pour ce faire, la ville doit conjuguer tourisme et offre culturelle pour espérer un retour sur investissement.
L’atout majeur de Strasbourg est le Rhin. Premier fleuve exploité d’Europe, il est aujourd’hui de plus en plus concurrencé par l’aménagement du Danube. Si le Rhin permet à Strasbourg d’être le 2ème port fluvial français avec près de 800 000 tonnes de marchandises en 2017, la ville doit réfléchir à son développement pour en faire un site de transport de marchandises et d’humains toujours plus compétitif. Le fleuve est connecté à six pays européens et est un réel atout pour développer la coopération économique entre l’Europe continentale et l’Europe du nord.